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ANONYMOUS : chronique

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Un grand film sur le poids des mots et la censure pour toute préservation de l’ordre. Sacrément malin.


Basé sur le postulat que Shakespeare était un illettré en plus d’être un vrai couillon, ANONYMOUS affirme qu’Edward de Vere, 17e comte d’Oxford, était un érudit littéraire, porté sur la satire du pouvoir, et qu’il se cachait derrière chaque pièce du plus connu des écrivains britanniques. Son goût pour le théâtre lui valait la colère de sa femme, Anne Cecil, fille de William Cecil, conseiller de la reine, lequel fomente d’ailleurs un vilain coup : porter sur le trône Jacques VI d’Écosse. De Vere, conscient de la portée de l’art comme contre-pouvoir, confie alors à Ben Jonson – dont il admire l’intelligente dramaturgie – la mise en scène de pièces qu’il signe anonymement. Malheureusement, c’est entre les mains du vil Shakespeare que ses écrits échoueront. Programme réjouissant que de voir Roland Emmerich s’attaquer à un sujet si cérébral alors qu’on connaît de lui le don pour le blockbuster, genre vaillamment défendu de GODZILLA à 2012. Le résultat est absolument délicieux. A priori, ANONYMOUS relève du drame, celui d’un homme mis jeune sous tutelle à la Cour, et dont la condition lui interdit tout accomplissement par l’écriture. On tolère que le peuple s’adonne au théâtre (si ça peut le distraire), mais pas la noblesse (appelée à montrer l’exemple), tant cet art est considéré comme frivole et souvent mensonger. Pourtant, au-delà de ce portrait délicat, servi par la grande intensité de Rhys Ifans, il y a le thriller politique. Le théâtre comme catalyseur, le complot se noue peu à peu, révélant de mesquines motivations débouchant sur des enjeux vitaux. Roland Emmerich écoute alors aux portes des scélérats de la Cour, dévoile la petitesse des puissants, tricote une toile qui étouffe sous leur propre vilénie une véritable bande d’enfoirés aux cheveux gras et aux postillons acides. Il tire à vue sur l’obédience contrite et fait l’éloge de l’épanouissement par le verbe éclairé et l’abnégation. Vocation des plus séduisantes, théorique certes, mais captivante, que le réalisateur allemand emballe dans un film à très grand spectacle (on le reconnaît bien là). Et puisqu’il traite de la beauté de la pensée libre, il opte pour l’amplitude des vues de haut, s’attarde sur la beauté élisabéthaine, recréant un Londres grandiose… Qu’il n’oublie pas de rouler dans la boue ou de mettre à feu et à sang. Par sa mise en scène parfaite, un sens pictural qu’on ignorait de lui, il fait enfin de la Cour le théâtre de tous les péchés ou une prison de l’intellect… Le tout est un miracle visuel (notamment rendu possible par les fonds verts qu’il maîtrise si bien), mêlant gracieusement l’historique et le technologique. Un paradoxe qu’on retrouve jusqu’à la distribution, dont chaque acteur, arborant un visage typique de la National Portrait Gallery, dégage une énergie résolument contemporaine. Une telle concentration de talents, c’en est presque indécent.

De Roland Emmerich. Avec Rhys Ifans, Rafe Spall, David Thewlis. Sortie le 4 janvier






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